Le pape de l’aspirateur voulait concurrencer Tesla. Après avoir dépensé 500 millions dans son projet de voiture électrique, il a tiré la prise…
Génial inventeur des aspirateurs éponymes, James Dyson est un ingénieur à succès. Ses appareils ménagers «cycloniques» lui ont rapporté des millions. Des milliards, pour être précis. À tel point qu’avec ses 18 milliards d’euros de fortune, c’est même devenu le plus riche des sujets de sa Très Gracieuse Majesté.
Mais James Dyson est avant tout un ingénieur passionné de technologie. Normal, donc, qu’en cette période de profonde mutation de l’industrie automobile, il se soit lancé dans la recherches de solutions qui auraient pu révolutionner le monde de la voiture autant qu’il y est parvenu dans celui des aspirateurs. Il s’y est donc jeté corps et âme, en y mettant les moyens: 500 millions d’euros!
Parce que, de fil en aiguille, le projet a pris une ampleur folle. Et James Dyson était ambitieux: une autonomie de presque 1000 km, une vitesse maxi de 200 km/h: rien ne devait être trop beau pour la voiture qui découlerait du prototype «N526», un concept de SUV futuriste, à mi-chemin entre une Range Rover Evoque et une Tesla Model X.
Pourtant, c’est dans le froid d’un petit matin anglais, à plus de 100 km/h sur une autoroute, que James Dyson explique au journaliste du «Sunday Times» pourquoi il a, finalement, tiré la prise en octobre 2019. La voiture était… trop parfaite. Entendez par là qu’il n’aurait pas été possible de la produire, telle que Dyson la voulait, à un prix abordable «Bien que nous ayons fait de grands efforts tout au long du processus de développement, nous ne sommes pas parvenus à rendre ce projet commercialement rentable. Nous avons ensuite recherché avec assiduité un éventuel repreneur pour le projet, mais sans succès.»
Prix de base… 170 000 euros!
Que veut dire «trop cher» exactement? Accrochez-vous bien: si elle était arrivée à terme, la voiture de James Dyson aurait dû être vendue à… 170 000 euros pour être rentable! Dommage pour les 500 personnes qui ont contribué à son développement et pour les millions engloutis par Dyson dans ce projet , mais vu sous cet angle, la «Dysonmobile», qui aurait dû être fabriquée à Singapour et arriver sur le marché l’an prochain n’avait effectivement pas l’ombre d’une chance. Pourtant, après deux ans de développement, l’engin était arrivé bien plus loin que ne le pensaient les observateurs. James Dyson avait même pu prendre le volant d’un prototype camouflé. Ce qui frappait le plus? La taille de ses pneus «d’une dimensions supérieure à tout ce qui se fait dans l’industrie.»
Un premier mauvais point pour le prix si, en plus il faut des pneus «sur mesure», soit écrit en passant…
Et Dyson avait eu beau lui concocter ce qu’il appelle un «intérieur décent et minimaliste» – affichage holographique tête haute, quand même… – son engin de 5m de long, 2m de large et 1,7 m de haut, capable d’embarquer sept passagers, était ce qu’on peut appeler un «beau bébé» qui pesait la bagatelle de… 2,6 tonnes! Les ingénieurs auront au moins eu le temps de se faire plaisir: malgré ses dimensions respectables, le bidule pouvait atteindre, on l’a dit, les 200 km/h et passait de 0 à 100 km/h en seulement 4,8 secondes grâce à sa motorisation électrique développant l’équivalent de 540 chevaux.
Reste que tout n’est peut-être pas définitivement perdu. Jamais découragé, Dyson se dit en effet prêt à «partager tout ou partie de sa technologie avec d’autres constructeurs». Et il envisage même de relancer son projet, plus tard, s’il trouve un moyen de le rendre rentable.
Le communiqué officiel de James Dyson
«L’équipe de Dyson Automotive a développé une voiture fantastique. Elle a été ingénieuse dans son approche tout en restant fidèle à notre philosophie. Toutefois, bien que nous ayons fait de gros efforts tout au long du processus de développement, nous ne parvenons tout simplement pas à rendre notre projet commercialement viable. Nous avons mené un processus sérieux pour trouver un acheteur pour le projet qui, malheureusement, n’a pas abouti jusqu’à présent. Je voulais vous dire directement que le conseil d’administration de Dyson a donc pris la décision très difficile de mettre un point final à notre projet automobile.
Il ne s’agit pas d’une défaillance du produit, ni d’une défaillance de l’équipe, pour qui cette nouvelle va être difficile à entendre et à digérer. Compte tenu de l’énormité et de la complexité du projet, Les réalisations ont été immenses. Nous nous efforçons de trouver rapidement d’autres rôles au sein de Dyson pour le plus grand nombre possible de membres de l’équipe et nous avons suffisamment de postes vacants pour absorber la plupart des personnes dans notre entreprise. Nous soutiendrons de manière équitable et avec le respect qu’ils méritent ceux qui ne pourraient ou ne souhaiteraient pas trouver d’autres rôles, C’est une période difficile pour nos collègues et j’apprécie votre compréhension et votre sensibilité au moment où nous consultons les personnes concernées.
Dyson va poursuivre son programme d’investissement de 2,5 milliards de livres sterling dans les nouvelles technologies et développer notre merveilleuse nouvelle université. Nous continuerons à nous développer à Malmesbury, Hullavington, Singapour et dans d’autres villes du monde. Nous nous concentrerons également sur la formidable tâche de fabrication de batteries à semi-conducteurs et d’autres technologies fondamentales que nous avons identifiées: les technologies de détection, les systèmes de vision, la robotique, l’apprentissage machine et l’IA nous offrent des opportunités importantes que nous devons saisir à deux mains. Nos batteries profiteront grandement à Dyson et nous mèneront dans de nouvelles directions passionnantes. En résumé, notre appétit d’investissement n’est pas diminué et nous continuerons à approfondir nos racines tant au Royaume-Uni qu’à Singapour.
Depuis le premier jour, nous avons pris des risques et avons osé remettre en question les acquis avec de nouveaux produits et de nouvelles technologies. Une telle approche favorise le progrès, mais n’a jamais été facile – la voie du succès n’est jamais linéaire. Ce n’est pas le premier projet qui a changé de direction et ce ne sera pas le dernier. Je suis toujours aussi optimiste quant à l’avenir de Dyson; nos ambitions n’ont jamais été aussi élevées, notre capacité d’investissement n’a jamais été aussi grande et l’équipe n’a jamais été aussi forte.
Je me réjouis de partager avec vous nos nouvelles aventures.»
James Dyson
Ingénieur