Mettre 707 chevaux dans une Grand Cherokee? Le pari un peu fou des ingénieurs de Jeep. Le résultat? Un engin étonnant. Un dragster impressionnant et souverain. En ligne droite…
La Jeep Grand CHerokee Trackhawk? Une diva bodybuildée tout droit sortie des délires des ingénieurs motoristes de la marque. Un engin parfait pour rouler les mécaniques, mais qui se transforme assez vite en danseuse quand arrive la première courbe. À son volant c’est sûr, vous serez le roi (ou la reine) des «burns». Vous ne craindrez personne dans les concours de «launch control», quand il s’agit d’accélérer le plus rapidement, départ arrêté, en laissant le plus de gomme sur le bitume. À ce genre de petits jeux c’est certain, la Trackhawk n’a que peu de rivales.
Seulement voilà, chez nous, ce genre de démonstration n’a pas le même succès qu’aux Etats-Unis. Du coup, quand Fiat nous a invité à prendre le volant du monstre, pour quelques tours sur les circuit d’essai «maison» de Balocco, on a profité de l’occasion. Histoire de voir ce que la bête avait dans le ventre, évidemment. Histoire de rendre compte, surtout, de ce qui se passerait si on l’on se retrouvait soudain, à bord de cet accélérateur de particuliers, face à cette chose insolite et grandiose que l’on nomme communément «virage»…
On est venu, on a vu et on a… testé. On est venu à Balocco donc, on l’a dit. Cette piste prestigieuse, jadis réservée à la mise au point des Alfa et qui, depuis de nombreuses années, sert de banc d’essai à tous les véhicules Fiat. C’est sur le circuit de sport (il y a aussi un circuit routier et un parcours de 4×4 depuis que Fiat a «hérité» de Jeep) qu’on a logiquement emmené l’engin. On a vu un redoutable mastodonte de chrome et d’acier, aux ailes largement bodybuildées, aux disques de freins impressionnants et au mufle hyperagressif. Une sorte de croisement entre une Jeep et une Batmobile. Equipée d’un impressionnant moteur V8 de 707 chevaux, gavé au compresseur, la bête émet un son impressionnant, parfaitement raccord avec ses appendices aérodynamiques, sa ligne d’échappement façon course et son gros extracteur arrière. Et puis, une fois confortablement calé dans les sièges sport en cuir, sélecteur de mode calé sur «track» (piste), on a testé. Contact.
Si la piste de Balocco n’est pas une inconnue (on y a déjà évolué au volant de Fiat Abarth, de Lancia, d’Alfa Romeo Stelvio et Giulia Quadrifoglio et même de la fabuleuse Alfa Romeo 8C Competizione, entre autres), la Jeep Trackhawk, elle, c’est une première. Mais après un sérieux check-up des freins, des pneus et des amortisseurs, on se dit que, en principe, ils ont du penser à tout, non? Alors gaz! Pour des raisons de sécurité, la grande rectiligne est coupée: on entre aux deux tiers, en passant une chicane. Et les choses sérieuses commencent…
Première, deuxième: ça pousse fort. Tellement fort qu’on est déjà presque au premier pif-paf gauche/droite serré. Un coup de frein façon course et le museau plonge. Les pneus «plantés» dans le bitume sous l’effet conjugué dudit freinage et du poids du moteur, l’avant vire sans broncher et on attaque la ligne droite précédant le droit suivant. Qui ne tarde pas, lui non plus, à arriver. Et là, on sent déjà que les choses ne vont pas être simples… Malgré le tarage dur et les ressorts spéciaux, les amortisseurs ne peuvent gommer entièrement le tangage. Du coup, le Trackhawk «tire» vers la gauche. Fort. Pas grave: il y a un vibreur. En calant les roues gauche dessus, ça passe. On continue. La suite va être plus délicate: au bout d’une ligne droite sur laquelle le V8 n’est finit pas de prendre de l’élan avec entrain, une courbe à gauche se referme. Fort. Là, force est de constater qu’on est trop «vite» pour le train roulant. Quand les freins ont fait leur office, que la caisse à pris de l’angle et que les amortisseurs ne peuvent pas amortir plus, il ne reste plus qu’un maillon faible, une victime expiatoire: les pneus. Les nôtres se mettent à protester. Vigoureusement. Pas de panique: un peu de contrebraquage, des gaz et… ça passe. Mais ça glisse un peu. Amusant.
Le reste des «tours» se fera à l’encan, jouant sans cesse les équilibristes entre la puissance démesurée du bloc Supercharged et les limites du train roulant. À la fin de quelques tours de manège, le constat s’impose: cet engin «fun» est certes une formidable vitrine mécanique démontrant que le savoir-faire des motoristes peut, sous certaines conditions, être soluble dans l’«emballage» d’une Jeep Grand Cherokee un peu déjantée. Mais, de façon tout aussi évidente, on soulignera que l’usage d’un tel missile sol-sol doit être absolument réservé à l’usage de pilotes confirmés, qui ne paniqueront pas à la première glissade. Glissade qui, on vous l’assure, finira forcément par arriver. Et plutôt tôt que tard.