Véritable institution plus que centenaire, le Salon international de l’automobile et accessoires, devenu GIMS (Geneva International Motor Show) est en péril. L’annulation abrupte entraînée par la pandémie alors qu’on était à quelques heures de l’ouverture n’a pas seulement entraîné un cauchemar logistique et des pertes financières qui se chiffrent en millions, mais elle a également ébranlé les bases même de la plus grande foire de Suisse.
Car même si elle reste, avec plus de 600 000 visiteurs, la plus grande manifestation du pays, même si elle pointe dans le top 5 des choses citées sur la Suisse et sur Genève sur le Web, le concept même de Salon s’effrite, à Genève comme ailleurs. Et la fréquentation baisse depuis plusieurs années maintenant.
Seul salon automobile à avoir conservé un rythme annuel en Europe, le GIMS est pourtant une manifestation «à part» dans le monde de l’automobile. Parce qu’il est de taille relativement réduite au niveau de la superficie, qu’il est placé au centre de l’Europe, qu’il est facilement accessible puisque Palexpo est situé au confluent du rail, de la route et de l’aéroport voisin qui lui ouvre l’accès au monde, c’est un formidable lieu de rendez-vous pour les constructeurs automobiles. Des constructeurs qui y apprécient, de plus, le fait d’être en «terrain neutre», puisque l’absence de constructeur national évite les excès «patriotiques» que l’on a souvent constatés à Paris ou à Francfort.
Qui y appréciaient, devrait-on écrire. Puisque la pilule de l’annulation, ordonnée par le Conseil fédéral, a mal, très mal passé. Intervenue à quelques heures de l’ouverture, elle a été révélée aux principaux intéressés que sont les exposants dans une cacophonie peu en rapport avec l’importance de l’événements. Tergiversations, séances reportées, annoncées par de simples affichettes collées sur les portes des bureaux, responsables injoignables: les heures qui ont précédé la chute définitive du rideau ont été passablement mal vécues par plusieurs fabricants majeurs. D’autant que, pour couronner le tout, ce coup d’arrêt s’est effectué alors que la plupart des stands étaient déjà montés, certains ayant même déjà installé les véhicules.
Et cela tombe d’autant plus mal qu’un flou certain régnait autour de cette édition 2020 qui se voulait celle du renouveau: le désormais ex-nouveau directeur Olivier Rihs, qui avait imaginé plusieurs nouveaux concepts forts coûteux censés redynamiser le salon ayant annoncé son… départ, après n’avoir même pas passé une année à la tête de la manifestation.
Événement moteur de l’économie genevoise, la manifestation qui d’ordinaire remplit les hôtels et les restaurants et draine des centaines de milliers de personnes vers la cité de Calvin s’est, d’un coup, mué en mouton noir qui creuse un trou abyssal dans les finances de la Fondation qui le dirige et entraîne des pertes colossales pour les exposants partenaires. Sale histoire, d’autant plus quand un contexte politique défavorable qui a vu méchamment pâlir l’aura de l’automobile…
C’est dire si la tâche qui attend Sandro Mesquita, qui vient d’être nommé pour succéder à David Rihs, ne s’annonce pas simple. L’homme, pourtant, se veut positif. Conscient d’avoir à prendre son bâton de pèlerin pour aller renouer le contact avec les constructeurs et restaurer la confiance mise à mal, il se veut positif. Et combatif. Son interview que vous pourrez lire en pages 8-9 le prouve.
Il va avoir besoin de soutien. En premier lieu de la part du comité d’organisation qui a renoncé à sa demande de prêt auprès de l’État de Genève après que celui ça l’a assorti de condition «inacceptables» pour lui, puisque cela sous-entendait de céder la sous-traitance et l’organisation à… Palexpo SA, propriétaire des «murs» de la manifestation. À Genève, il est plus que jamais temps de prendre du recul, un peu de hauteur et de cesser les Genferei. Fondation, Palexpo et Canton se doivent de travailler ensemble, pour sauver ce qui reste de leur poule aux œufs d’or. De leur propre aveu, les exposants préfèreraient attendre que les vagues se calment et que la sérénité revienne avant d’organiser une prochaine édition en 2022 seulement.
Si la nouvelle direction entend sauver une édition 2021, elle va non seulement devoir faire taire les dissentions et les querelles d’ego mais, aussi, aller très très vite. Ce genre de manifestation ne s’improvise pas en quelques semaines. Réussir à le mettre sur pied pour 2021 en se lançant au mois de juin est déjà un immense défi. Mais ne pas le faire reviendrait à laisser aux exposants une année de plus pour envisager… d’autre moyen qu’un Salon «physique» pour présenter ses nouveautés et nouvelles technologies. Le nombre de présentations qu’ils organisent, en direct, sur le Web aux quatre coins du monde le prouve. De plus en plus.