La 992, dernière évolution de la 911, est une voiture exceptionnelle. Parfaite, puissante, précise, elle cumule toutes les qualités. Et pourtant…
À chaque fois c’est la même baffe! À chaque fois, on se dit: cette fois, elle est parfaite, ce sera impossible de faire mieux. Et puis on a l’occasion de s’asseoir derrière le volant d’une «nouvelle» 911. Et on ressort, penaud, bien obligé d’admettre que si, ils sont parvenus à faire mieux! Beaucoup, beaucoup mieux, même.
Ce qui était valable pour la 991 à l’époque – «La nouvelle Carrera 991 est aussi époustouflante que la GT3 du précédent modèle 997», nous avouait un pilote d’essai de la marque lors du lancement de la 991 en 2011 – l’est aussi pour cette toute nouvelle 992. Une fois encore, le saut réalisé est sidérant!
Nous avons eu l’occasion de la mettre à l’épreuve sur des petites routes de Toscane. Un terrain d’essai idéal: des successions infernales de petits virages, plus ou moins fermés, un revêtement très inégal et, pour couronner le tout, un temps changeant qui rendait certaines portions plus ou moins humides. De quoi faire craquer la plupart des sportives radicales. Pas la Porsche…
Parfaitement à l’aise dans tous les cas de figure, la 992 s’est joué de ces difficultés comme si elles avaient été dessinées exprès pour mettre en avant ses qualités. Prenons les choses dans l’ordre…
Premièrement, la position de conduite est, comme à chaque fois, parfaite. Assis très bas, calé dans le siège sport au maintien sans faille, le conducteur «sent» la voiture et pilote «aux fesses», en ressentant en temps réel la moindre réaction de la voiture. Ensuite, la direction ultraprécise remonte la moindre information et l’on sait exactement comment la 992 réagit aux irrégularités du revêtement. Couplée à la plateforme MMB (qui sert aussi de base aux 718 Cayman et Boxster), au contrôle actif du roulis, aux roues arrière directrices et au PASM, elle confère une tenue de route tout simplement diabolique à l’icône roulante.
Rien n’est dû au hasard: Porsche a mis toute sa science de l’ingénierie en
œuvre pour parvenir à ce résultat exceptionnel. Les techniciens ont optimisé intégralement le PASM. Les amortisseurs ont ainsi été entièrement remaniés: la soupape d’étage principal et les chambres sous pression pour la compression et l’extension sont contrôlables en quelques millisecondes grâce à une vanne de contrôle ultra-précise, réglable en continu par force magnétique. Ce qui permet une adaptation précise et à tout moment de la force d’amortissement. On a ajouté au système une commande logicielle entièrement dédiée à l’amortissement, ce qui permet d’adapter en temps réel le fonctionnement des amortisseurs aux conditions de la route. Cette combinaison matériel/logiciel fait des «miracles»: que ce soit pour la compression ou l’extension, le nouveau PASM offre un amortissement nettement plus doux et un confort accru par rapport à l’ancien système. On le constate vite si on roule sur des pavés, par exemple. Mais en utilisation sportive, le même système permet aussi une plus grande fermeté des amortisseurs, ce qui offre des avantages considérables sur la dynamique de conduite en termes de stabilité, de tenue de route, de comportement en virage et de vitesses dans les courbes. Et si vous voulez aller encore plus loin, l’option «châssis sport», rabaissée de 10 millimètres, permet une meilleure dynamique de conduite encore et augmente à la fois l’agilité dans les virages et la stabilité sur les voies à grande vitesse. Le nirvana.
Et il y a plus fort encore! La 992 inaugure le mode «Wet». Une évolution qui tenait particulièrement à cœur à August Achleitner, le «papa» des 911 qui vient de prendre sa retraite. Préoccupé par le nombre d’accidents survenus sous la pluie – tous les conducteurs de 911 ne se rendent pas compte des risque de rouler avec une voiture si puissante équipées de pneus aussi larges sur route détrempée… – il a travaillé à un système permettant de réduire les risques d’aquaplaning. Il nous a d’ailleurs avoué que Porsche avait failli en équiper la 991, déjà. Mais, perfectionniste absolu, «Gustl» trouvait alors que le système n’était pas encore prêt à 100 %. Huit ans de «fine tuning» plus tard, le mode «Wet» est prêt. Et c’est, selon Porsche, l’arme absolue contre les risques de perte de contrôle. L’idée? Des capteurs acoustiques, placés dans les passages de roues, détectent le bruit de l’eau projetée dans les garde boue par les pneus.
Le procédé se distingue donc fondamentalement des capteurs de pluie pour la commande des essuie-glace qui, eux, réagissent visuellement aux gouttes d’eau sans tenir compte de l’état de la chaussée. Si le système détecte une chaussée humide, il agit directement sur le PSM et le PTM. La puissance envoyée aux roues et le couple sont diminuées et le conducteur est prié de passer, via le petit bouton de commande rotatif placé sur le volant ou la barre de touches de la console centrale, au mode «Wet».
Une fois le mode Wet activé, le Porsche Stability Management (PSM), le Porsche Traction Management (PTM), l’aérodynamisme, le Porsche Torque Vectoring (PTV) Plus en option et les réactions de l’entraînement sont adaptés, afin d’assurer une stabilité de conduite maximale. L’aileron arrière se déploie au maximum à partir de 90 km/h et les soupapes d’air de refroidissement s’ouvrent, tandis que les modes PSM Off et Sport ne peuvent plus être activés.
Autant de systèmes qui permettent, à tout moment et en toutes conditions, de tirer un parti maximal de ce qui est le cœur de toute 911 qui se respecte: le moteur. Là encore, le travail effectué est à la hauteur de la réputation de la marque. Le nouveau six cylindres à plat inaugure une nouvelle génération, respectant les nouvelles normes en matière d’émissions. Pour ce faire, on lui a ajouté un filtre à particules et de nouveaux turbos. Mais comme la sportivité reste le point fondamental du cahier des charges, on a réussi à améliorer malgré tout les performances. Les nouveaux turbos sont donc plus grands, à construction symétrique, avec des soupapes de décharge à commande électrique et dotés d’un système de refroidissement d’air de suralimentation entièrement repensé. Et si l’on compte l’augmentation de la compression et l’utilisation de soupapes d’injection piézo-électriques, on tient la recette du bonheur selon Porsche.
Le résultat? Une meilleure réactivité, plus de puissance et un couple variable pour atteindre une plus grande efficacité et plus de maniabilité. La puissance est ainsi augmentée de 30 ch (22 kW) à 450 ch (331 kW) atteinte à 6500 tr/min, tandis que le couple gagne 30 Nm à 530 Nm, dont le maximum est disponible entre 2300 et 5 000 tr/min. Un avion de chasse…
On l’a dit, les turbos y sont pour beaucoup. Deux nouveaux turbocompresseurs, dont les roues de compresseur et de turbine sont désormais montées en miroir par rapport au moteur, tournent dans des directions opposées. Le diamètre des roues de turbine a été augmenté de 3 mm pour passer à 48 mm. La roue de compresseur de 55 millimètres a, quant à elle, gagné 4 mm. De nouveaux répartiteurs de freinage en fonte légère et les boîtiers de turbine adaptés ont permis d’améliorer les flux au niveau de l’entrée et de la sortie de la turbine, ce qui contribue à augmenter l’efficacité, les réactions, le couple et la puissance. De fait le résultat est bluffant: il n’y a quasiment aucun temps de réponse perceptible.
La nouvelle commande des soupapes de décharge n’a plus lieu par pression négative mais de manière électrique, via des moteurs pas à pas. Ce qui permet une régulation plus rapide et plus précise de la pression de suralimentation. Sur la 911 Carrera S avec OPF, ladite pression de suralimentation est d’environ 1,2 bar.
Dans la prolongation de la conduite d’aspiration, l’air comprimé traverse les deux refroidisseurs d’air de suralimentation, qui ont échangé leur position avec le filtre à air par rapport aux modèles précédents. Au lieu d’être placés sur le côté dans les ailes arrière, les refroidisseurs d’air de suralimentation se situent désormais au-dessus du moteur, au centre sous la grille arrière. Cette nouvelle position combinée à une amélioration de l’entrée et de la sortie d’air froid, à un élargissement de l’accès de l’air de processus, ainsi qu’à un agrandissement des refroidisseurs a permis une nouvelle augmentation considérable du rendement.
Les soupapes à commande piézo-électrique, elles, se chargent de l’injection directe du carburant dans les chambres de combustion. Elles s’ouvrent et se ferment en outre plus vite que les anciennes à commande électromagnétique, ce qui permet de diviser la quantité injectée en cinq injections par cycle. De plus, l’injecteur s’ouvre vers l’extérieur: le carburant est donc mieux réparti dans la chambre de combustion et en gouttes plus fines. Sans les nouveaux injecteurs piézo-électriques, ces améliorations n’auraient été possibles qu’en augmentant la pression d’injection. Cette méthode a toutefois permis de maintenir le niveau de pression à 200 bar.
Vous voulez encore un peu de technique? Pour la première fois, la commande de soupapes variable VarioCam Plus dirige l’échange de gaz avec des arbres à cames d’admission asymétriques pour une petite levée de soupapes. Les deux soupapes voisines d’un même cylindre se soulèvent ainsi dans cette position de charge partielle à des levées différentes. Alors que la levée minimale des deux soupapes d’entrée était auparavant identique et égale à 3,6 millimètres, celle du nouveau moteur s’élève maintenant à 2,0 et 4,5 millimètres. Cet élargissement de la plage de charge partielle permet d’améliorer la préparation du mélange et, donc, la combustion, faisant ainsi baisser la consommation et les émissions.
Au volant, évidemment, seuls les puristes se doutent de ce qui se trame dans leur dos. Mais ce que tout le monde constate, en revanche, c’est le chant inimitable du six cylindres. L’une des choses qui permet à la 911 de se démarquer de la «concurrence interne» toujours plus féroce des 718 Cayman et Boxster. Ici, pas de bruit aigu de 4 cylindres, juste les chuintement des soupapes de décharge quand on relâche brusquement la pression sur l’accélérateur. Et le feulement magique du bloc quand on remet les gaz à la sortie de la courbe suivante. Envoûtant. On remerciera donc tout particulièrement les acousticiens qui ont mis au point la ligne d’échappement, dotée de clapets pilotés par cartographie, qui optimisent la sonorité de la 992.
Et impossible, évidemment, de parler d’une 911 sans citer la boîte PDK. Faisant partie des meilleures boîtes disponibles sur le marché, la «Porsche Doppel Kupplung» est désormais dotée de huit rapports. Elle aussi a été entièrement remaniée et ça se remarque tout de suite! Rapidité, précision, confort, performance et efficacité sont au rendez-vous. Mais on a l’impression que le boîte est à géométrie variable: la première est plus courte que sur l’ancienne boîte à 7 rapports et la 8e, logiquement, plus longue, ce réduit clairement le régime moteur sur autoroute ou dans les vitesses supérieures. À noter que c’est en 6e que l’on atteindra la vitesse de pointe, 7e et 8e étant là pour… faire baisser la consommation.
On pourrait continuer des heures à parler de cette voiture, véritable mythe parmi les sportives. Vous dire, par exemple que, pour une fois, on a osé une révolution. Pas à l’extérieur, non: on ne touche pas à une icône et la 992 est peut-être plus «pure», encore, que la 991 au niveau de la silhouette C’est au niveau de l’intérieur que les Porschistes doivent s’attendre à un choc! Omniprésente, l’électronique a tout envahi, hormis le gros compte-tours central qui reste analogique mais est désormais flanqué, à gauche et à droite, de deux écrans digitaux asymétriques qui peuvent, à choix, composer le traditionnel tableau de bord Porsche à cinq compteurs ronds ou, alors, afficher une quantité variable – et paramétrable – de données diverses voire, même, un rappel de l’écran du GPS. Pour ceux qui trouveraient que l’écran central tactile de 10,9 pouces est trop petit, peut-être? On vous passe, aussi les détails des feux avant et arrière «full LED», de la nouvelle signature graphique ou de… l’ioniseur d’air pur désormais disponible en option. Tout cela n’étant finalement qu’une question de goût, d’envie de se faire plaisir ou… de «profondeur» de compte en banque.
Et on se concentrera sur ce qui nous paraît essentiel: l’avis au feeling. Et là, croyez-le ou non, pour la première fois, une nouvelle 911 m’a un peu… déçu. Si, si, vous avez bien lu: malgré l’article qui précède et peut paraître un rien dithyrambique – pourtant je vous certifie que tout ce que j’ai écrit et vrai et que cette voiture est littéralement et proprement exceptionnelle! – c’est la première fois que je suis ressorti d’une nouvelle 911 perplexe.
Pourquoi? Parce que j’ai eu le sentiment que, cette fois, Porsche est allé trop loin. Qu’à force de la raffiner, de la perfectionner et de l’améliorer, Porsche a plus fait de la 911 une «Super Panamera» qu’une «nouvelle 911». Parce que, comme le dit si bien Walter Röhrl, «La 911 est une voiture fabuleuse qui, à chaque évolution, parvient à cacher un peu mieux son erreur de conception fondamentale» (entendez par là son moteur arrière en porte-à-faux qui la déséquilibrait, par opposition au moteur central de la 718 par exemple).
Force est de constater que, cette fois, le «défaut de conception» passe totalement inaperçu. À tel point qu’on s’imaginer très bien, sur circuit, passer un virage «façon Audi RS6», en appui, en «soudant» l’accélérateur au plancher et en laissant puissance du moteur et l’armada électronique faire le reste, en force. Du coup, elle a perdu ce petit «plus» qui faisait son charme, ce supplément de caractère qui la rendait indocile, cette tendance au «déhanché» qui imposait, à chaque fois, de bien faire le transfert de masse pour la «poser» en courbe avant de réaccélérer juste, en sortie. Bref, ce qui en faisait une 911, une voiture sans pareille, un mythe.
La 992 est devenue parfaite? C’est parfait. Mais c’est peut-être trop. C’est dit.
FICHES TECHNIQUES
PRIX
992 Carrera S: dès 156 700 fr, (avec phares principaux matriciels à LED incluant le Porsche Dynamic Light System Plus (PDLS Plus), rétroviseurs intérieur et extérieurs à système anti-éblouissement automatique et capteur de pluie intégré, aide au stationnement à l’avant et à l’arrière avec caméra de recul, pare-brise teinté dégradé gris, sièges avant chauffants, système BOSE® Surround Sound et radio numérique DAB+. )
992 Carerra 4S: dès 167 1000 fr. (idem)
992 Carrera S Cabriolet: dès 175 600 fr. (phares principaux matriciels à LED incluant le Porsche Dynamic Light System Plus (PDLS Plus), rétroviseurs intérieur et extérieurs à système anti-éblouissement automatique et capteur de pluie intégré, pare-brise teinté dégradé gris, sièges avant chauffants, système BOSE® Surround Sound et radio numérique DAB+)
992 Carrera 4S Cabriolet: dès 186 000 fr. (idem)