Longtemps on aura pu croire que seuls les SUV et la berline serait concernés par l’électrification au sein de la maison de Zuffenhausen. Il n’en est rien! L’avenir des sportives aussi est électrique
Plus de 20 000! Ils sont plus de 20 000 acheteurs potentiels à avoir manifesté leur envie de commander une Taycan, la toute première Porsche 100% électrique qui sera l’incarnation de série du prototype Mission E. Plus qu’un simple succès d’estime, c’est à un véritable raz de marée que l’on assiste au sein même des amateurs d’une marque qui a forgé sa réputation au son caractéristique du «flat six». Mais la déferlante du kilowattheure n’épargne personne, pas même les descendante de la fière jument (Stute) qui galope depuis 70 ans dans les prés proches de Stuttgart…
Ainsi Porsche prévoit-elle d’augmenter la fréquence de production de sa future star survoltée. «Le formidable intérêt que suscite la Taycan montre que nos fans se réjouisse autant que nous de voir arriver notre première sportive 100% électrique, c’est pourquoi nous avons décidé de revoir à la hausse notre capacité de production» a ainsi déclaré, tout fier, Detlev von Platen, le chef des ventes de Porsche.
La nouvelle star, qui sera dévoilée en septembre, devrait se vendre à un prix compris entre celui du Cayenne (99 300 fr.) et du coupé Panamera (149 300 fr.), mais cela ne freine pas les ardeurs des futurs clients, prêts à débourser 2500 euros pour avoir le droit de figurer… sur la liste d’attente du carnet de commande. Vrai qu’avec ses performances annoncées ébouriffantes, son autonomie de 500km, sa capacité à se recharger de 100 km toutes les 4 minutes et les efforts entrepris par Porsche pour développer, dès à présent un réseau de recharge rapide en Europe et aux Etats-Unis, celle qui s’annonce comme la concurrente directe de la Tesla Model S, elle se montre, théoriquement du moins, très, très attractive.
De là à de demander si Porsche oserait briser le tabou et proposer un modèle électrique de sa mythique 911, il n’y a, finalement, qu’un tout petit pas. Pour en avoir le coeur net, nous avons profité du salon de Genève pour poser la question au principal intéressé: le Dr Frank Steffen Walliser (FSW), qui vient de reprendre la responsabilité de la ligne 911, et à son illustre prédécesseur, August Achleitner (AA), qui a supervisé les cinq dernières générations de l’icône.
Autofocus.news: Vous travaillez sur la 911 de 2022-2023, comment se sent-on quand on hérite d’une telle responsabilité? Nerveux?
FSW: Pas vraiment. Je crois que ça tient à la nature même d’un ingénieur de vouloir sans cesse améliorer le produit que l’on développe, de lui faire bénéficier des progrès techniques que l’époque met à notre disposition. C’est notre objectif de base chez Porsche: fournir la voiture la plus efficace, la plus performante, mais aussi la plus sûre et la plus efficiente possible. La seule question que nous nous posons, tout le temps, c’est: «comment peut-on encore l’améliorer?» C’est notre mandat, notre passion.
Qu’est-ce qui rend la 911 si spéciale?
FSW: Bonne question… C’est une voiture exceptionnelle, parce qu’on peut dire qu’elle nous a accompagné toute notre vie. Pour les gens de mon âge (ndlr: 56 ans), il y a toujours eu une 911 sur la route. En plus, aucune autre voiture n’est construite selon cette architecture. Et aucune autre ne procure cette sensation de conduite si particulière. Ce mélange de précision dans la direction, de tenue de route et de performance fait de la 911 une voiture entièrement à part. Aucune autre automobile ne peut se targuer d’être à la fois une sportive radicale et, en même temps, une voiture de tous les jours. C’est sans doute ce qui explique la fascination qu’elle exerce sur les différentes générations de conducteurs. Sans parler de sa ligne inimitable…
Et pourtant, on peut imaginer de rendre ce mythe électrique…
FSW.: Purement électrique pas. Ou pas forcément. Mais une électrification via un système hybride pourquoi pas? La 911 a beau être une voiture «traditionnelle», elle n’en pas moins toujours été à la pointe de la technique et de la technologie de son temps. Nous l’avons successivement équipée de la direction assistée, du freinage assisté, d’un contrôle de traction, de l’ABS, d’une boîte robotisée, de roues arrières directrices, d’un système aérodynamique actif… À chaque étape de l’avancée technologique, la 911 a évolué, s’est améliorée. On ne peut pas proposer une voiture pendant 50 ans et ne pas la faire évoluer technologiquement. L’important, c’est de rester fidèle à la philosophie de la voiture. Et de la marque.
AA: il serait faux de priver une voiture des progrès de la technologie. Tout comme il serait faux de vouloir absolument l’équiper d’une technologie qui ne serait pas en phase avec l’esprit de la voiture.
Comment utiliser l’électricité pour la 911?
FSW: Nous allons sans doute essentiellement utiliser une version hybride, qui nous permettrait de gagner tant en puissance qu’en efficience. Avec les 718, les Panamera et les SUV, nous avons travaillé avec des turbos, l’injection directe, les filtres à particules… Nous avons rendus les voitures plus efficaces, plus propres et moins gourmandes. La boîte de vitesses à huit rapports aide aussi à rendre le moteur plus efficient, elle nous a aussi permis de modifier l’architecture de la ligne de transmission, ce qui fait que nous avons, sur la 911 actuelle (ndlr: la 992), encore à peu près 15 centimètres disponibles sur la longueur. Un espace dans lequel nous pourrions très bien installer une batterie qui nous permettrait tout à fait d’envisager une électrification hybride. Nous travaillons actuellement à son développement et à l’étude de plusieurs solutions. Nous avons trouvé une bonne solution pour la Panamera, pourquoi pas pour la 911? Il faudra juste faire un peu de place pour le(s) moteur(s) électrique(s)…
AA: C’est le principal problème pour «électrifier» une 911: elle est très compacte. Le reste n’est qu’une question de discussion. Mais rappelez-vous: au début, quand on parlait d’hybridation de voitures sportives, les gens souriaient. Mais une fois en piste, en compétition, on s’est aperçu qu’elles étaient clairement plus rapides. Pour une sportive, c’est ce qui compte avant tout. Ensuite, tout l’art réside, une fois encore, à tirer le meilleur parti des solutions techniques sans dénaturer l’esprit de la voiture.
On le voit, les puristes n’ont pas (trop) de souci à se faire: la Porsche électrique s’appellera Taycan, pas 911. Pour le reste, l’inéluctable évolution à venir débouchera sur la même guerre de tranchées entre progressistes et intégristes que quand Porsche a abandonné le 6 cylindres à plat pour le remplacer par un 4 cylindres turbo sur les Cayman et Boxster. C’est sûr, le son n’est plus pareil. Mais au niveau des qualités dynamiques des voitures et du plaisir de conduire qu’elles procurent, aucun doute n’est permis. Ce sont des «vraies» Porsche, à 100%. Même le grand Walter Röhrl le dit. Et quand Walter parle…