En réussissant le tour de force de tirer 700 chevaux du moteur de sa GT2 RS, Porsche pensait avoir réussi un exploit. De fait, on est peut-être allé un peu trop loin…
On vous l’avoue? Allez, on vous l’avoue: c’est la première fois, en plus de 15 ans de carrière derrière le volant des plus exclusives voitures de test imaginables, que l’on aura roulé moins de 200 km avec une Porsche d’essai! 156, très exactement. Pourquoi? Non, non. On ne cherchera pas d’excuse «bidon», ni de de raison invraisemblable. Non, le cardan de transmission gauche n’était pas dégonflé, pas plus que le ventilateur n’avait éteint les bougies.
N’allez pas, non plus, imaginer de raison insolite et grandiose. Pas de conditions dantesques, d’orage de grêle, de risque majeur d’aquaplaning, de bouchons monstres, de chute d’étoiles filantes, d’incendie suite aux feux du premier août, de grève des conducteurs de tracteurs, ni même de soudaine pluie de diplodocus sur les cols de la Vallée de Joux. Non. Si on a si peu roulé avec la fabuleuse 911 GT2 RS c’est juste qu’on a eu…peur!
Bon attention, qu’on se comprenne: pas peur de l’incroyable puissance de la machine (avec ses 700 (!) chevaux, c’est la 911 de – presque – série la plus puissante de tous les temps, plus puissante même que la RSR de compétition engagée aux 24 Heures du Mans!). Aucune crainte, non plus, face à ses incroyables aptitudes de tenue de route, d’accélération ou de freinage. Non, c’est bien plus terre à terre: on a juste eu peur… pour notre permis!
Parce que, expérience faite, cet hallucinant missile sol-sol n’a rien, mais alors rien à faire sur des routes où règnent des directives issues de Via sicura. Le seul endroit où laisser libre cours au stratosphérique potentiel de cette 911 d’exception, c’est le circuit. Et rien que le circuit. Pour vous avouer toute la vérité vraie, on n’a même pas eu envie de «monter» en Allemagne pour un galop d’essai sur Autobahn. Inutile. À part le tracé ultrarapide du Castellet, voire même l’anneau de vitesse de Nardo, on ne voit pas comment, ni où, on aurait pu ne serait-ce qu’approcher les limites de cette furie furieuse.
De fait, une fois à bord, quelques petits détails «clochent»: pourquoi la ceinture de sécurité est-elle normale? Pourquoi n’est-ce pas un harnais 5 points? Pourquoi y a-t-il de la moquette par terre et de l’Alcantara sur le ciel de toit? Pourquoi une clim’? Pourquoi un autoradio? Ce genre de gadgets totalement dispensables, semblent n’avoir été posés là que pour essayer de faire croire que la GT2 RS n’est pas qu’une tueuse de chronos. Qu’elle peut, à l’occasion, se transformer en véhicule «civil». Ce n’est qu’à moitié vrai. Evidemment, vous allez pouvoir rouler en ville, puisqu’elle a des phares, une plaque et des clignoteurs. Evidemment, vous allez pouvoir faire de la route et de l’autoroute, comme avec une auto «normale». Mais essayez un peu… A bord – et a fortiori sans le casque – tout trahit la pistarde de choc. Ca crique, ça croque, ça cliquette, ça grince, ça siffle, bref, ça vit. Du coup, ces « accessoires » ne servent à rien d’autre… qu’à ajouter du poids inutile.
Et pourtant… Et pourtant, sur notre parcours d’essai « classique », auxquel on soumet toutes nos voitures de test pour avoir des points de comparaison précis, c’est la stupeur! Jamais, au grand jamais, on aura passé aussi vite en courbe. Attention, on parle là d’essais « légaux ». Entendez par là qu’on reste dans la stricte observation des prescriptions viasicuresques. N’empêche. Quand on aborde vraiment un virage de montagne serré à 80 km/h, on a très vite l’impression de rouler à 240 km/h sur circuit. Pourtant, la GT2 RS « passe ». Facile. Très. Trop. Et on a vite fait d’imaginer ce que cela pourrait donner si l’on s’aventurait à prendre comme limite celles de la voiture plutôt que celle des panneaux indicateurs…
Alors oui, on l’avoue: on a eu peur. Peur pour notre permis et peur de ce que cet engin aurait pu nous faire croire en ce qui concerne nos capacités de pilote (on ne parle plus de simple conducteur à ce stade de démesure mécanique). Alors, comme on n’avait pas de possibilité de l’emmener sur circuit, on est sagement rentré au bercail. On l’a lavée, on a fait le plein et on l’a rendue à Porsche Suisse. En rêvant, tout éveillé, de pouvoir avoir un jour l’occasion de la reconduire. Avec un casque, une combi, des gants et un terrain de jeu à sa mesure, cette fois. A Imola ou au Castellet, par exemple…